Pascal Gautrand

Rencontre avec Pascal Gautrand, un passionné à l'origine du collectif Tricolor, qui vise à reconstruire et renforcer la filière laine française.
September 15, 2022
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Pouvez-vous nous présenter Tricolor?

Le Collectif Tricolor est une association interprofessionnelle qui rassemble des fédérations, des entreprises et des institutions issues des mondes de l'élevage ovin, des savoir-faire de transformation, et de la distribution. La genèse de sa fondation remonte à 2018 avec un projet événementiel présenté dans le cadre du salon Made in France Première Vision qui avait déjà permis de réunir un très grand nombre d'acteurs de la filière mode française afin de les sensibiliser au potentiel du gisement de laine en France. Par la suite, grâce à Paris Good Fashion, une association qui milite pour le développement de pratiques écoresponsables dans le domaine de la mode, nous avons décidé de créer une association loi 1901 qui puisse rassembler l'ensemble des métiers et permette de faire réfléchir ensemble tous les acteurs des filières lainières françaises. Aujourd'hui ce sont plus de 70 membres qui coordonnent leurs réflexions et leurs actions pour le bénéfice de l'écosystème lainier français.

Les laines françaises sont aujourd’hui très peu valorisées: pouvez-vous nous expliquer pourquoi et comment inverser la tendance ?

La laine en France est une conséquence de la production de lait ou de viande. Les pratiques d'élevage sont donc concentrées sur la qualité et la valorisation de ces produits. Les laines tondues annuellement pour le bien-être des moutons sont de qualités et de propretés très diverses d'un élevage à l'autre, rendant complexe leur valorisation.

La grande variété de races (59 races ovines officiellement répertoriées en France) génère une très forte hétérogénéité du gisement, avec des laines de qualités diverses qui doivent être valorisées au travers d'usages et de marchés très différents : mode, décoration, isolation, textiles techniques, etc...

La petite taille des élevages (250 têtes en moyenne) et leur répartition éclatée sur tout le territoire (en particulier dans des zones de relief) freinent la bonne classification des laines françaises. Annuellement, les tontes nécessitent des charges logistiques et de transport coûteuses pour qu'elles soient collectées et triées par catégories similaires. Aujourd'hui il est plus facile de les rassembler par zone de collecte, sans prendre en compte le niveau de propreté ou de qualité, qui varient beaucoup d'un élevage voisin à l'autre.

L'amélioration de la qualité ou de la propreté des laines françaises, ainsi qu'une réflexion sur le développement d'outils digitaux pour mieux gérer la logistique et faire des économies d'échelle sont donc les leviers principaux sur lesquels le Collectif Tricolor a choisi de se concentrer.


A votre sens quelle est la place de l’innovation dans la revalorisation des laines françaises ?

L'innovation a une place primordiale dans la revalorisation des laines françaises. En effet, si l'on s'en tient aux usages traditionnels de la laine, il n'est pas toujours facile d'être compétitif face à l'usage de fibres concurrentes, souvent disponibles à moindre coûts même lorsqu'elles traversent la planète. Ainsi, imaginer de nouveaux usages, compatibles avec les impératifs du développement durable et de l'économie est un enjeu majeur.

Quels sont les grands défis de Tricolor pour les années à venir ?

Le principal défi pour le Collectif Tricolor est de continuer à fédérer l'ensemble des acteurs de la filière afin de garantir que les projets de chacun se développent bien en bonne intelligence avec tous les maillons. Pour faire face à la concurrence des autres fibres et aux enjeux sociétaux qui concernent l'élevage, la fabrication locale ou la consommation responsable, il faut réussir à construire une image forte et des outils performants et efficaces pour les laines françaises. Chacun à son échelle a un rôle majeur à jouer pour enrichir le dialogue entre tous les maillons : les petits troupeaux font les grandes filières !